Plus de 300 personnes se sont réunies ce mardi 18 mars pour écouter Isabelle Filliozat à Puyricard, près d'Aix-en-Provence.

Isabelle Filliozat, auteure de "Au coeur des émotions de l'enfant", "Il n'y a pas de parents parfaits", "J'ai tout essayé" et bien d'autres ouvrages... psychologue, didactictienne en psychothérapie et directrice de l'école des intelligence relationnelle et émotionnelle à Aix-en-Provence, nous conviait pour échanger autour des enfants de 1 à 12 ans.

J'ai pu la rencontrer lors de dédicace, et c'est la première fois que j'allais l'écouter en conférence. Impatience, mon cahier et mon crayon en main, j'ai écouté avec attention ces 2 heures de conférence enrichissantes.
Formidables oratrice, scenettes de la vie de tous les jours et un peu d'humour qui nous font parfois rire et surtout prendre conscience, pour mieux accompagner nos enfants.

FAUT-IL POSER DES LIMITES A SON ENFANT?
C'est à cette première question qu'elle a souhaité répondre. Il est vrai que l'on entend régulièrement thérapeutes et autres personnes autour de la petite enfance affirmer que si un enfant n'arrive pas à gérer sa frustration, à rester en place... c'est qu'il y a un manque d'autorité, et qu'il faudrait poser des limites.

La limite étant sous la forme "NE - PAS", par exemple "Tu ne dois pas taper ton frère".
Après énonciation de cette limite, est ce que cela change? Est ce que votre enfant ne tape plus son frère?
Non, alors comment faire?

Elle fait l'analogie avec le couple. Votre conjoint souhaite prendre de l'autonomie, allez-vous le (la) frapper pour arrêter ces comportements?
C'est la même prise de conscience pour les enfants, ils ne cherchent pas à nous nuire dans leur comportement, ils cherchent juste à exister.

LIMITES ET INTERDITS SONT DANGEREUX
Les enfants sont obéissants, on leur dit ce qu'ils ne doivent pas faire hors le cerveau ne gère pas la négation.
"Ne cours pas sur le trottoir", l'enfant entend et garde à l'esprit "cours" et "trottoir". Il focalise donc son esprit sur la chose qu'on ne veut pas qu'il fasse.

Alors, que faudrait-il faire?
Respecter des règles au lieu de donner des limites.
Dire ce qu'il faut faire au lieu de ce qu'il ne faut PAS faire. Donner des consignes claires.
Au lieu de "ne cours pas sur le trottoir", préférez "marche lentement sur le trottoir"

BESOIN D'ATTACHEMENT
La personne qui s'occupe de l'enfant depuis tout petit, qui lui consacre du temps... c'est la figure d'attachement, généralement la mère. Il lui fait entièrement confiance. 
L'enfant se sent reconnu, à sa place, en relation d'attachement, nourri, en sécurité et capable d'explorer le monde. 

Elle nous partage les propos de Nicole Guedeney qui compare cette « base de sécurité » à un porte-avions :

« Le bébé ou le jeune enfant est l’avion ; la base sécure c’est le pont du bateau d’où s’élancent les avions pour les missions de reconnaissance. Le même pont doit être toujours libre pour les avions en mission afin que ceux-ci puissent atterrir dès qu’ils le demandent (que cela soit en urgence ou pas) : le même pont s’appelle alors le havre de sécurité ».
Nicole Guedeney

Notre petit avion est plein de fioul, il s'en va, au début pas très loin, et de plus en plus loin, et si quelqu'un prend sa place sur le porte-avion, le petit avion rapplique pour vérifier (et non pas pour embêter).
Par exemple, petite scène de vie: l'enfant joue tranquillement, une copine appelle. Votre enfant va demander de l'attention (va vérifier s'il y a toujours sa place sur le porte-avion)
Prenez le temps de s'adresser à lui pour ainsi le rassurer et nourrir son besoin d'attachement.

IL EST CALME A L'ECOLE ET DES QUE J'ARRIVE IL FAIT DES CRISES DE RAGE
En l'absence de la figure d'attachement, l'enfant fait des efforts pour contrôler ses émotions, et dès que la figure d'attachement arrive, il s'autorise à dire ce qu'il a sur le coeur. Il va lâcher le stress accumulé.

L'agressivité est une réaction dirigé par le cerveau qui cherche à se protéger du stress. Des sécrétions d'adrénaline et cortisol dans le corps qui ont besoin de sortir. Soit:
- On attaque
- On prend la fuite
- On se fige, s'insembilise, s'isole de la douleur

L'enfant a beaucoup de colère à l'intérieur de lui, il tente de dire à sa mère, et ne verbalise pas car c'est difficile pour lui. Il contient beaucoup d'énergie à l'intérieur, et dès qu'il rencontre une frustration, il dégage, libère sa colère.
Il va peut être taper, jeter... Le stress se ressent dans tout le corps: des tensions dans les bras, dans les jambes. L'enfant ressent un grand besoin de bouger, d'où des gestes qui peuvent partir.

Isabelle Filliozat nous recommande de se mettre à l'écoute. L'enfant a besoin d'être entendu.

REMPLIR LEUR RESERVOIR AFFECTIF
15 minutes de jeux, et donc d'attention, avec l'enfant, tous les jours permet de recharger notre petit avion en fioul. L'amour est un carburant.
Elle recommande d'utiliser les moments du quotidien, si le temps ne nous permet pas de partager un moment de jeux: la lessive, mettre la table..
Jouer permet de nourrir le réservoir affectif et de tisser des liens.

Lorsqu'un cerveau n'est pas suffisamment nourri, il est sous stress. L'enfant a peur que le porte-avion soit occupé.
Avant de faire un long trajet, nous mettons de l'essence dans notre voiture pour qu'elle nous conduise quelque part!

Isabelle Filliozat nous rappelle qu'un ordre verbal rentre dans le cerveau verbal et descend dans tout le corps. Il empêche donc de prendre contact avec le cerveau frontal (qui permet d'anticiper, de comprendre, d'avoir de l'empathie, le cerveau qui nous fait réfléchir).
Si l'on donne un ordre à l'enfant, il risque de se rebeller. Le choix donne l'impression à l'enfant d'avoir un espace de liberté.
L'ordre provoque du stress (encore lui!)

L'ENFANT A BESOIN DE LIEN D'ATTACHEMENT ET DE LIBERTE

Quand le cerveau est sous stress, c'est qu'il n'y a pas assez de carburant. Si on donne de l'attention, par un temps de jeu, par exemple, on diminue l'hormone du stress et son réservoir est rempli pour gérer les moments de frustration.

MON ENFANT EST INSOLANT
Comment faire face à un comportement provoquant et insolant? Là encore face à ce questionnement, Isabelle Filliozat a apporté des éléments de réponse.
"Il me cherche" se dit-on (titre de son nouveau livre qui sortira le 26!), il cherche naturellement l'attachement dont il a besoin.

Tout d'abord, elle nous rassure en affirmant que le parent est une bonne figure d'attachement, sinon l'enfant n'oserait pas avoir ce comportement.
Ensuite, elle nous invite à être à l'écoute de notre enfant: peut être a t-il vu de tels agissements à l'école, il demande de l'aide en reproduisant ce qu'il a vu. Il est sous stress et tente de calmer son stress.
Pour l'enfant, il est trop complexe de dire avec des mots, il montre ce qu'il a subit, ce qu'il voit.

QUELLE ATTITUDE ADOPTEE FACE A L'INSOLANCE?
1. JE ME CALME 
Ce qui n'est pas si simple car nous subissons le même stress que nos enfants. On se sent insulter mais la priorité est d'écouter son message et sa demande d'aide.

Lorsque nous même parent nous étions enfant peut être que nous n'avions pas reçu l'attachement dont nous avions besoin, et entendre les cris, les pleurs de notre enfant réactive du stress.
Les 3 réactions au stress s'activent:
- L'attaque: je cris
- La fuite: Va dans ta chambre, ou nous même quittons les lieux
- On se fige

Nous avons donc besoin de réactiver nos récepteurs à ocytocine:
- je respire
- je me rappelle que si j'ai envie de m'enerver c'est à cause de mon enfance pas de mon enfant!
Je m'ancre dans le sacrum, je regarde de la verdure, je bois un verre d'eau... quelques outils pour diminuer le stress.

2. REGARDER AVEC TENDRESSE
Je vais montrer à mon enfant le chemin qu'il faut faire face à une difficulté. Il a besoin de nous, de l'adulte en qui il a confiance.
Nous pouvons l'imaginer bébé, dans les bons moments... et lui donner ce regard là, qui permettra de faire redescendre le stress.

3. EMPATHIE
"On dirait que tu as eu une dure journée"
Le cerveau sous stress est incapable de réfléchir. Le contact permettra de faire redescendre le stress et de remplir le réservoir affectif.
Il faut seulement 7 secondes de câlins pour déclencher de l'ocytocine.

IL CONVIENT DE DIMINUER LE STRESS AVANT DE REPONDRE A UN PROBLEME

Une conférence riche et très complète. Remplissons nos petits avions de beaucoup de fioul, accueillons nos enfants sur notre porte-avion dès qu'ils en ressentent le besoin, pour ainsi éviter des carences d'attachement et un sentiment de ne plus avoir de libre-arbitre.
Merci Madame Filliozat d'avoir montré le chemin à ces 300 parents et aider nos enfants à devenir des adultes confiants.

Peut être une conférence prés de chez vous... c'est ici

Projet 365 # 80 - Un jour, un billet